soprano and bass clarinet

Commission: Wittener Tage für Neue Music

I-
Y en a qui ont des trompinettes
Y en a qui ont des trompinettes
Et des bugles
Et des serpents
Y en a qui ont des clarinettes
Et des ophicléides géants
Y en a qui ont des gros
Bourre Bourre Bourre
Et ran plan plan
Mais moi j’ai qu’un mirliton
Et je mirlitonne
Du soir au matin
Moi je n’ai qu’un mirliton
Mais ça m’est égal si j’en
Oui, mais voilà, est-ce que
— Boris Vian 1951-52

II-
J’ai acheté du pain
J’ai acheté du pain dur
Pour le mettre sur un mur
Par la barbe Farigoule
Il n’est pas venu de poule
J’en étais bien sûr maman,
J’en étais bien sûr.
— Boris Vian 1951-52

Je suis un vieux fan de Boris Vian. Ses œuvres sont pour moi depuis belle lurette la porte ouverte à une vision des choses dont je me sens très près: que l’on se rappelle simplement le «redouté» Collège de Pataphysique, toute la progéniture d’Alfred Jarry essaimant jusqu‘à Raymond Queneau en n’oubliant bien sûr pas la filière de l’Oulipo (l’Ouvroir de littérature potentielle). Vian est l’inventeur de mondes parallèles, nourris d’allégories, de transpositions métaphoriques du répertoire complet des passions humaines, de la plus touchante tendresse jusqu‘à la brutalité. Sa langue fourmille d’allusions de toutes sortes, de métajeux de mots; mais plus encore: sous le couvert de la fantaisie ou du sarcasme, elle mine sournoisement ses propres assises, elle se remet constamment elle-même en question en se prenant au pied de la lettre. Et qui bouscule la langue en manipulant et parodiant jusqu‘à sa mécanique interne en arrive de fait à ébranler la réalité à laquelle elle réfère…

Au moment où je mettais en musique ces trois poèmes, j’étais à élaborer une sorte de Méta-cabaret sur Boris Vian pour mon ensemble Série B; cette soirée de musique s’est depuis matérialisée en le spectacle Une Soirée Vian. En ce sens, ces deux premiers «essais» ont été pour moi comme une préparation à cette tâche. La texture à deux voix m’a conduit à écrire dans un style plus compact que ce qui m’avait été familier jusqu‘alors, et j’ai dû adapter ma chère idée de métrique virtuelle en conséquence: elle s’est donc muée en une chaîne capricieuse et changeante de pseudo-mètres, une musique syncopant sur un tapis de pulsations virtuelles. Les textes sont traités plutôt librement et, comme j’aime souvent le faire, je les fais s’enfiler en boucles s’interpénétrant.

Denys Bouliane, 1991

  • Score available at CMC, Région du Québec.
  • Recording: available at SMCQ’s office

Performances