Notre-Dame-du-Rosaire (Québec)
Interprète (baryton)

Ça commence par un accident: le comédien Dominique Côté se casse la voix en criant lors d’une séance de doublage de dessins animés. Silence forcé pendant trois mois, opération aux cordes vocales et rééducation de l’organe auprès de Lucette Tremblay, professeure de chant de la fine fleur des artistes. Elle lui révèle le baryton qui sommeille en lui, mais qu’il faut réveiller vite!

À 25 ans, c’est tard pour se mettre au lyrique. «Je n’avais jamais écouté un opéra de ma vie et, sans en avoir vu, je trouvais ça ennuyeux.» Ses préjugés gros comme la Scala fondront à coups de cours, de spectacles, d’analyse d’œuvres.

«Je ne me limite pas à l’opéra. J’aime l’opérette, la comédie musicale, le lied, les chansons de crooner.» Cet éclectisme, allié à un parcours non classique (il ne possède évidemment pas de maîtrise en musique), fait ronchonner les grincheux. «Je ne pense pas que Leonard Bernstein soit de la sous-musique! Et puis ceux qui acceptent de me recevoir en audition m’engagent souvent.» Le chef d’orchestre Jacques Lacombe lui a un jour adressé ce compliment: «Il se passe quelque chose quand tu chantes.» Vrai, la vie passe quand il chante, par exemple, dans les versions concert des Misérablesou de Starmania pour l’Orchestre symphonique de Montréal.

C’est un garçon robuste, avec de bonnes joues et un rire qu’on dirait hérité d’Edgar Fruitier. Né à Notre-Dame-du-Rosaire — «deux rues, pas 400 habitants» -, il rêve, tout petit, de s’installer à Montréal. Il passera d’abord par l’École de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe, le temps de découvrir qu’il raffole de la scène, en mangerait. «Je déteste les petits rôles. J’assume mon côté "à moi les projecteurs".» On l’a vu totalement épanoui dans Figaro, du Barbier de Séville, où ses ressources vocales et dramatiques vase communiquaient. «Les ténors jouent souvent les jeunes premiers un peu niaiseux. Les barytons interprètent des personnages plus contrastés: le père, le méchant, le magouilleux.»

Pour l’heure, il reprend, dans un nouvel arrangement orchestral pour deux pianos et un violoncelle, le rôle du poète dans Nelligan, l’opéra romantique d’André Gagnon et Michel Tremblay. À ses côtés: Marc Hervieux (Nelligan vieux) et les jeunes artistes de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, dirigés par Normand Chouinard.

Côté est content: il voit son agenda se garnir, afficher même des dates de concerts en France, où il a remporté l’été dernier le premier prix d’opérette (et celui du public) au Concours international de chant de Marmande. Comme quoi un accident de doublage peut infléchir un destin.

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