Interprète (chant de gorge)

J’aimerais vous parler d’un aspect de notre culture inuit au Nunavik: le chant de gorge. C’est l’un de mes talents et je suis fière de garder vivante cette incroyable tradition, tradition qui remonte à mes ancêtres. J’ai 30 ans et j’ai commencé à apprendre le chant de gorge à 13 ans. J’ai été très étonnée de l’entendre pour la première fois lorsque nos anciennes ont commencé à l’enseigner à de jeunes enfants, dont moi-même. Nos anciennes, Mary Sivuarapik, Aullak Tullaugak, Leela Qalingo, Lucy Amarualik et Nellie Nungak, nous ont enseigné et raconté des histoires au sujet du chant de gorge, qui est encore très vivant et transmis aux jeunes générations.

Aujourd’hui, on nous demande de faire des chants de gorge à chaque événement local et dans d’autres communautés. À Noël, lors des cérémonies d’ouverture du festival des neiges, organisé à tous les deux ans par notre comité des loisirs, les gens ne veulent pas rater le chant de gorge parce qu’ils aiment vraiment l’entendre. Certains voyagent à travers le monde pour montrer notre culture. C’est l’un de mes rêves d’aller dans un autre pays. Heureusement que j’ai un passeport, si jamais on me demande d’aller chanter. Nos professeurs nous ont raconté leur voyage à Paris quand ils étaient plus jeunes, ce qui est une inspiration pour moi. Ils ont commencé à chanter quand ils étaient enfants, quand ils vivaient encore dans des igloos et des tentes.

Les Inuits étaient des nomades, se déplaçant avec les saisons et suivant les animaux. Ils n’entendaient pas d’autres sons que la nature et les animaux. Le seul son musical était le chant de gorge accompagné des tambours en peau de phoque. Ainsi, en imitant les seuls bruits qu’elles entendaient (vent, oiseaux, sons de leur travail), les femmes chantaient de la gorge. C’était aussi une berceuse pour endormir les bébés.

Les chants de gorge sont principalement interprétés par des femmes. Deux femmes se font face, se regardant parfois la bouche, parfois les yeux, et alternent des fredonnements rythmiques dans la gorge. Si les femmes gardent un contact visuel, toutes deux peuvent à un moment donné éclater de rire. Lors d’une compétition, la première qui rit a perdu. Un type de chanson s’appelle qimmiruluapik («chiot» en inuktitut), car ce mot est répété, ou fredonné, par les deux chanteuses. Il y a beaucoup de chansons qui imitent les animaux: l’une imite le son des oies et sonne vraiment comme les oies. Une autre imite le son du sciage du bois; c’est un des préférés des spectateurs. Certaines chansons suivent une mélodie.

Nous espérons que davantage de jeunes apprendront et conserveront cette belle tradition. C’est une partie de notre culture que nous partageons fièrement avec le monde. Mon ambition est de l’enseigner à notre jeune génération et de rendre les jeunes filles fières d’elles-mêmes en faisant des chants de gorge.

traduction: Claude Renaud [ii-19]