Voici, à découvrir chaque jour jusqu’au 18 mai, les treize poèmes de Sandeep Bhagwati qui ont inspiré sa dernière création, Niemandslandhymnen.
Traduction française de Louis-Patrick Leroux (la traduction française ne cherche pas à recréer la rime tierce dans sa forme, mais propose plutôt une traduction en forme libre de l’anglais).
XII — PRÉSAGES
Comme si elle nous chantait un avenir avenant
L’alouette matinale égaie cette journée ensoleillée et bleutée
Comme si ces cauchemars s’étaient dissipés d’un coup, étourdis
Par les mémoires d’un futur, arabesques d’un cerveau
Avec le temps, plus d’augures, que des délires anxieux…
Dehors, en effet, le monde semble «pluriel et pittoresque et renouvelé»
Mais comment demander au poète [1] de rétracter
Ses augures perspicaces des empires en déclin?
Non. La béatitude n’est pas réservée aux bêtes.
Notre espèce, au moment de notre date de péremption,
Saura-t-elle chérir le chant des oiseaux et s’émerveiller alors que
Les vents inlassables balaient la terre, embrassent les feux féroces.
- Matthew Arnold (1822-1888). La citation, traduite par nous, est du poème "Dover Beach" (1867).
XIII — L’HYMNE AU NO-MAN’S LAND [1]
SOUFFLE — Des vents inlassables balaient la terre, embrasent les feux féroces:
DIASPORA — Abolissent les frontières, dispersent les âmes, anéantissent les rêves!
GUERRE — Éveillent guerre et paix au rythme de cette violente dance impétueuse!
MAGMA — S’infiltre alors le désespoir, dans les lézardes de la croute terrestre,
ENTROPIE — Là où les énergies anciennes, déterrées, se dissipent.
NUAGES — Dans le vide, dans la brume et la buée, de vagues ruisselets naissent;
RADIATION — Ce qui était jadis intime doit maintenant s’évaporer.
RÉSEAUX — Dispersés, chassés sur l’étendue d’un globe arborescent,
AVARICE — Par avidité ou luxure, nous partageons à notre tour
ALGORITHMES — Les données dématérialisées par trop de manipulations.
OCÉANS — Reste notre voix, au-dessus du vacarme des chœurs océaniques,
PRÉSAGES — Comme si elle nous chantait un avenir avenant.
- Ce poème, dans l’original, propose une «tresse» des premiers vers de chaque poème. Nous retenons le même principe en français, mais avec quelques légers ajustements apportés pour la limpidité de la traduction.
Nouvelle publiée le jeudi 18 mai 2017.